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Axelle Dubernet, responsable de la cellule volontariats de la Guilde Européenne du Raid. A la suite d’un DEA d’économie et un DESS sur l’Asie du sud-est, Axelle Dubernet rentre en stage pour la Guilde Européenne du Raid en juillet 2000. Elle y effectue un stage de neuf mois comme bénévole, puis est embauchée par l’association en Avril 2001 au poste qu’elle occupe actuellement : responsable de la cellule volontariats. Yovo Bonsoir ! : Quelle sont vos fonctions à la Guilde européenne du Raid ? AD : Je suis responsable de la cellule « volontariat ». Je suis donc chargée de recruter des bénévoles, en général des étudiants en fin de cycle, qui partiront en stage chez nos partenaires (ONG, institutions publiques…) qui m’ont adressé leurs demandes de bénévoles. Ceci dit, nous sommes une structure assez réduite, je suis donc amenée à travailler pour d’autres choses : je participe également au programme « Solidarités étudiantes » (sur les trois volets que celui-ci comporte : aide au montage de projets, sensibilisation et stages) . Yovo Bonsoir ! : Pourquoi ce métier ? AD : A l’origine j’ai une formation d’économie : je voulais me diriger vers l’enseignement, et j’ai passé le concours de l’Ecole Normale Supérieure. Mais j’ai découvert l’économie du développement, et çà a été pour moi une espèce d’évidence. Dans ce que nous faisons, l’on se remet en cause en permanence : cela m’a permis de concilier le travail sur le terrain tout en continuant à garder une optique « recherche » dont j’ai toujours besoin. Yovo Bonsoir ! : Seriez-vous prête à repartir aujourd’hui ? AD : Oui, bien sûr ! Le contact avec le terrain est primordial, il est impossible de s’en passer si on veut travailler correctement. Yovo Bonsoir ! : Vous êtes chargée du recrutement des bénévoles ; qui part avec la Guilde aujourd’hui ? AD : Je crois qu’on peut les séparer en deux catégories : il y a ceux qui veulent travailler dans la solidarité internationale, pour de bon, et ceux pour qui il s’agira d’une expérience ponctuelle, entre la fin de leurs études et leur premier emploi. Par exemple, avec Solidarités étudiantes, nous avons des partenariats avec de nombreuses grandes écoles comme les ESC (HEC, l’EM Lyon) ou les DESS de développement . De manière générale, nous avons plutôt une bonne diffusion dans le milieu étudiant. Ainsi, ceux qui partent sont avant tout des techniciens, étudiants en gestion et des agronomes, car le lien avec leur formation est direct . Puis, nous avons aussi des étudiants en sciences sociales, des IEP, et quelques profils techniques (ingénieurs…). Il y a par contre peu de juristes, car le seul « secteur » où ils pourraient travailler sont les Droits de l’Homme, et ce genre d’activités ne passe pas toujours très bien dans les Pays en Développement. Enfin, il y a quelques « inclassables », dont le parcours n’est pas nécessairement universitaire mais qui leur permet cependant de partir. Yovo Bonsoir ! : Sur quels critères ? AD : Cela peut paraître une évidence, mais le premier critère est technique : l’on doit toujours répondre à un besoin ; quelqu’un qui vient me voir en déclarant vouloir sauver la planète n’a manifestement pas bien compris où il mettait les pieds ! L’on rejoint ici le second critère, plus difficile à évaluer : le critère psychologique. C’est bien sûr très subjectif, mais je vais essayer de vous faire une typologie du « candidat idéal ». - Il est capable de s’adapter : il ne partira pas s’il n’a que des préjugés en tête. - En lien avec le précédent critère, il doit faire preuve d’humilité : la posture de sauveur de l’humanité, justement, est absolument à proscrire ! Il sait qu’il ne sait pas, en quelque sorte… - Il est ouvert, dans le sens de curieux de l’autre : en caricaturant, quelqu’un qui part uniquement en vue de rajouter une ligne à son CV ne m’intéresse pas. - C’est quelqu’un d’équilibré : quelqu’un de dépressif, même s’il est par ailleurs très compétent et attentionné, risque de « craquer » facilement là-bas. Pour lui comme pour nous, il vaut mieux qu’il ne parte pas… Evidemment, tout ce que je vous raconte peut sembler évident, mais je vous assure qu’il y a un tas de gens pour qui le simple fait d’être plein de bonne volonté suffit ! « L’enfer est pavé de bonnes intentions… » En fait, l’idéal est quelqu’un qui a prévu son retour en France : c’est le moment le plus dur, et s’il enchaîne directement sur autre chose çà lui permettra « d’atterrir » moins violemment. Yovo Bonsoir ! : Est-ce que les gens qui partent avec vous identifient réellement l’enjeu de ce départ ? C’est-à-dire, y a-t-il une correspondance entre ce qu’ils attendent de cette expérience et ce qu’ils en retirent ? AD : A la Guilde, nous mettons beaucoup l’accent sur la préparation du projet : avant son départ, nous prenons du temps pour discuter avec le bénévole, lui présenter la mission, l’environnement de celle-ci… Il sera de toute façon très marqué par cette expérience, autant lui donner quelques points de repère avant ! Sinon, pour ce qui est du devenir de nos bénévoles, certains retrouvent comme prévu du travail en France après leur mission, mais beaucoup continuent dans le milieu alors que cela n’était pas forcément leur but au départ : nous demandons de plus en plus des professionnels, mais cela reste une expérience humaine qui engage bien plus que les simples compétences techniques des gens.
Yovo Bonsoir ! : L’engagement humanitaire est très répandu dans le milieu étudiant en ce moment. Quelles en seraient les causes pour vous ? AD : Nous faisons beaucoup de sensibilisation dan le milieu étudiant, « Solidarités étudiantes » en est le meilleur exemple. De là à savoir si nous suscitons cet engouement ou si nous n’en recueillons que les fruits… Il est clair que ces thématiques sont de plus en plus prégnantes, même dans les entreprises. Elles sont très médiatisées, et les écoles ont petit à petit reconnu ce genre d’expérience : toutes les soutiennent aujourd’hui, de près ou de loin. Le problème pour nous est toujours le même : nous devons absolument répondre à des besoins émis par nos partenaires et donc faire appel à des compétences de plus en plus précises. Cela va de pair avec la professionnalisation grandissante du milieu humanitaire. Par exemple, au niveau du programme « Solidarités étudiantes », nous menons des actions de formation à l’évaluation de projets, afin que les associations membres du réseau puissent évaluer leurs actions de façon la plus objective possible.
Yovo Bonsoir ! : Objective ? Sur quels critères ? AD : Pour ce qui concerne notre « grille » d’évaluation, nous avons, grosso modo, cinq critères de base : - La présence d’un partenaire local : celui-ci est indispensable pour la mise en place et le suivi de l’action. - Ce projet doit être inscrit dans une certaine durée : les gens ont besoin d’un temps souvent assez long pour s’approprier un projet. - Ce projet doit déboucher sur une autonomie : il doit, à terme, pouvoir se passer de l’association pour fonctionner, et même si possible en générer d’autres, indépendamment de la volonté initiale de l’association. - Il doit en outre répondre à un besoin : pour le diagnostic de ce besoin, par nature très difficile à faire (ce que nous percevons comme nécessaire ne l’est pas forcément aux yeux de la population), nous mettons par exemple en place des cahiers de doléances… - Enfin, il faut bien sûr prendre garde aux conséquences de l’action : toutes les actions de long terme ont un impact, quel qu’il soit (économique, culturel, sanitaire…). La Guilde ne peut prétendre jouer sur tous les tableaux en même temps, aussi nous mettons particulièrement l’accent sur notre rôle de coordinateurs. Il est clair que le problème d’objectivité reste entier pour nous tant que nous ne sommes pas sûrs des besoins que nous pensons avoir identifiés : le choix du partenaire est donc extrêmement important, car c’est lui qui, en quelque sorte, va se porter garant de ce besoin. Enfin, il existe un autre intérêt d’arriver en tant qu’étranger : par notre statut, nous ne sommes soumis à aucune problématique, aucune contingence de la culture locale (corruption, magie noire…). Nous sommes donc presque totalement libres de faire ce que nous voulons… en espérant viser à peu près juste !
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